La chère et vieille tante d’Antoinette, Eléonore de Bourbon, abbesse de Fontevraud. Celle-ci ne voudrait pas mourir sans avoir vu nommer après elle une princesse de son sang, afin que cet empire monastique de 150 prieurés, vrai patrimoine héréditaire, ne sorte pas de la maison de Bourbon. La nièce qu’elle désire c’est Antoinette, dont elle a entendu vanter la réputation, et qui lui paraît apte à réformer au moins l’abbaye chef-d’ordre. Que cette nièce soit religieuse feuillantine à Toulouse ne présente pour Madame de Fontevraud aucun obstacle, vu les dispositions du nouveau pape Paul V. …
Paul V, (informé du refus en cours d’Antoinette) réputé bon juriste, a très bien vu la force des arguments avancés, comme le montre la teneur du bref expédié de Rome le 4 juin 1605 ; aussi ménage-t-il à la dame feuillantine une porte de sortie ; au lieu de la coadjutorerie, qui implique la succession automatique, il propose à Antoinette la fonction de Grande Vicaire, et ce pour la durée d’un an, à titre d’essai. Si vraiment elle ne peut s’adapter, elle pourra revenir dans son monastère. Et pour bien montrer qu’elle demeure cistercienne, elle sera autorisée à conserver l’habit blanc, de même que les trois auxiliaires qui l’accompagneront, sa secrétaire, son confesseur et son chapelain.
…
(Pour autant) Les grandes dames qui peuplent Fontevraud se révoltent à l’idée de changer de vie ; elles ont d’ailleurs une autre candidate, aimable à souhait, dix-huit ans, la dernière fille du duc de Guise assassiné à Blois, Renée de Lorraine, élevée dans la maison. Pour couper court à toute contestation, Madame Eléonore l’expédie, le 23 septembre 1605, en Languedoc, dans un riche prieuré, assortissant ce départ d’importantes donations personnelles. La place est nette. Ce coup de force, qui n’annonce rien de bon, renforce l’opinion d’Antoinette qu’il ne faut pas bouger. ….
Exaspérés, les Bourbons se font alors plus pressants, et obtiennent de Paul V qu’il rédige un nouveau bref où il use cette fois de l’arme absolue, l’excommunication en cas de résistance. Cette fois, il faut partir, mais Antoinette promet de revenir au bout d’un an. …. Comme on ne lui permit pas, une délégation des Feuillants de Toulouse réussit en novembre 1606,à parvenir jusqu’à la Grande Vicaire de Fontevraud, lui remontrant qu’elle était en état de désobéissance vis-à-vis de son Ordre, puisque l’année était écoulée et qu’elle n’était pas rentrée à Toulouse. Se plairait-elle dans les honneurs de sa fonction ? Pourtant, la situation était claire, et les dames feuillantines l’avaient réélue comme prieure pour l’année 1607. Madame d’Orléans n’hésite pas un instant : elle prépare une évasion nocturne grâce à quelques-unes de celles qui ne rêvaient que de son départ et fait avertir sa cousine lyonnaise, Mme de La Part-Dieu, de lui amener une voiture en un lieu proche de Fontevraud. Mais au moment de franchir la dernière porte, Antoinette trahie est arrêtée. S’ensuivent séquestration et interrogatoires relatifs à ses complices, puis enfermement de sûreté jusqu’au retour d’un émissaire ,M. Gautier, qui aussitôt avait pris le chemin de Rome. Il revient à Pâques 1607 avec une bulle annulant les brefs antérieurs, et constituant Antoinette coadjutrice … et non plus seulement Grande vicaire, de sa tante.
(à suivre)
Micheline Cuénin ANTOINETTE D’ORLÉANS-LONGUEVILLE, PRINCESSE HÉROÏQUE ET REBELLE Mémoires 2004 de l’Académie d’Orléans (Agriculture, Sciences, Belles -Lettres et Arts) . VI e série . Tome 14) p. 29 à 40. www.lacado.fr/files/memoires_2004.pdf