Les Souverains d’Angleterre de la maison d’Anjou-Plantagenet furent très-généreux envers l’abbaye de Fontevrault. Les nombreuses rentes qu’ils avaient constitues en sa faveur n’ont pas cependant toujours été rÈguliérement payees, car Blanche de Harcourt, vingt-deuxiéme abbesse* , se vit obligée d’user de la protection du roi Charles VI, son cousin-germain, pour en toucher les arrérages.
Nous avons même retrouvé la lettre que ce monarque écrivit à ce sujet à Richard II, son gendre :
A très hault et puissant prince R., par la grâce de Dieu roy d’Angleterre, nostre trés cher et trés amé filz, Charles, par ycelle mesme grâce, roy de France, salut et parfaicte dilection. Trés cher et trés amé filz. Blanche de Harcourt, abbesse de Fontevraux, vostre et nostre cousine nous a faict exposer comment vos prédécesseurs roys d’Angleterre, dont les corps gisent en l’èglise dudit lieu, donnèrent et aumosnerent l’augmentacion de la fondation des dictes Èglise et abbaye et pour le salut des âmes d’eulx et de leurs successeurs, cent marcs d’argent de rente annuele et perpetuelle, à les prendre et avoir par la manière que ensuyt ; c’est assavoir : LX marcs sur la ferme de vostre ville de Londres, quarante marcs sur la ferme de la cité de Wicester, et cinquante solz d’esterllins sur vostre eschiquer, dont plusieurs arrèrages sont deuz ; et pour tant, trés cher et très aimé filz, que la dicte abbaye, laquelle est de fondacion royale, a été tellement opprimée par le faict et occasion des guerres, qu‘à prés ent vostre et nostre dicte cousine, et les religieuses d’icelle abbaye, ne peuvent bonnement avoir leurs nécessitez ne supporter les grans fraiz et charges qu ils ont à outenir et faire, à cause des maisons et édifices qui sont aussi, comme touz, deperit el cheut (NDLRB : choit c’est à dire tombe) en ruyne ; par quoy le divin service, qui est faict et célébré dans la dicte église pour le salut des ames de vos dictz prédé cesseurs et autres, pouroit estre delaissié ou diminué très grandement.
Vous prions et requérons trés instamment, et de cuer , très cher et amé filz, que pour amour et contemplacion de nous et des choses dessus touchées, vous vueillez vostre et nostre dicte cousine faire paier et contanter des dictz arrérages, et aussi la dicte rente, doresnavant. Et avecques ce, ordonner et faire que certaines Èèglises, prieurez et maisons assises en vostre royaume, desquelles et des religieuses, prieuses, prieurs et gouverneurs d’icelles, la visitacion, correction, punicion, institucion et destitucion lui appartient à cause de la dicte abbaye, elle puisse doresnavant visiter et faire visiter, y mettre, instituer, destituer, ester, punir et corriger, comme il appartiendra, les religieux et religieuses d’icelles, ainsi et par la manière que ces prèdécesseurs l’ont faict et accoutumé de faire en temps passé, paravant les dictes guerres, et qu’elle le faict es aultres prieurez et lieux de sa religion estans en nostre royaulme.
Et en ce, trés cher et très amè filz, vous ferez, se nous semble, vostre devoir, le bien et proufit de la dicte Èglise, et, nous, parlaicte plaisance. Et en vueillez tant faire, que nous et elle vous en soions et doions estre tenuz, et que elle puist appercevoir nos prières lui avoir valu envers vous.
Donné à Paris, le XXUI* de mars
cité in Alfred Jubien
» L’abbesse Marie de Bretagne et la réforme de l’ordre de Fontevrault d’après des documents inédits » (1872)
http://www.archive.org/stream/labbessemariede00jubigoog/labbessemariede00jubigoog_djvu.txt
* Blanche de Harcourt, fille de Jean II, comte de Harcourt, et de Catherine de Bourbon, fût abbesse de 1391 à 1431