I. CHEMIN-FRONTIERE DANS LA FORET de FONTEVRAULT
La forêt de Fontevrault, aujourd’hui démembrée, trouée de larges essarts et de landes qui témoignent d’incendies répétés éclate en morceaux sur la feuille de la carte de Saumur et la Carte d’Etat major. Ce fût autrefois une forêt frontière entre les Andegaves, les Turones et les Pictones.Les limites départementales entre le Maine-et-Loire, l’Indre-et-Loire et la Vienne, héritières de celles de l’Anjou, de la Touraine et du Poitou, la traversent maintenant et s’y rencontrent à 2 KM au sud de Fontevrault.
Un vieux chemin suit ces limites administratives, passant au lieu dit La Folie ; un toponyme qui a plus de chances de s’appliquer ici, comme dans la plupart des cas, à un lieu dit d’origine « celtique » qu’à une résidence champêtre du XVIe ou du XVII e siècle.
Suivons ce chemin.IL vient du Sud, où il a failli se perdre dans un lacis de chemins ruraux, puis il gagne vers le Nord, à travers la forêt d’abord puis dans les champs et dans les vignes du plateau qui domine Candes.Candes, Condate, le confluent de la Vienne et de la Loire. C’est vers ce site très anciennement habité qu’il conduisait. Car il ne conduit plus nulle part.Il sert à la desserte des champs et des bois. ; On ne le suit plus de bout en bout. Jadis, il allait rejoindre le grand chemin qui longeait la Loire et la Vienne sur leur rive gauche, et dont la route moderne a pour une très large part hérité.
A 1500 mètres au Sud-est de Fontevrault, ce chemin coupe une petite route, héritière elle –même d’un ancien chemin. Elle mène de Fontevrault à Couziers et au-delà, après avoir conduit à la chapelle de saint –Mainboeuf. Au carrefour, en plein bois, un gros chêne passe ici pour marquer l’emplacement où se rencontraient jadis, de temps en temps, les évêques des trois diocèses d’Angers, de Tours et de Poitiers. Tradition orale, invérifiable sans doute; mais chêne borne, tout au moins, comme le chemin lui-même est un chemin-frontière qui marque des limites départementales après en avoir marqué d’autres au cours des âges, limites de provinces et limites de cités. L’arbre n’a bien sûr pas l’Antiquité qu’on lui prête généreusement. Mais il eut des prédécesseurs qui moururent là tour à tour, après avoir assumé la même fonction.
Non loin sur la lisière Ouest du bourg de Fontevrault, un autre chemin s’enfonce en tranchée dans le tuffeau, longeant le Grand Enclos qui fut l’une des dépendances de la célèbre abbaye fondée en 1099 par Robert d’Arbrissel. Il porte le nom de « creux chemin », et sa largeur, ses sections pavées, ses parois taillées dans le roc par l’outil sont anormales pour un simple chemin rural. Ce fut en effet, au XVIII e siècle, encore, un tronçon de la route Saumur-Poitiers. De nos jours, la nationale 147 passe un peu plus loin vers l’Est, évitant la forte déclivité du creux-chemin.Ce dernier n’est plus qu’un « raccourci » de piétons et de charrettes, un chemin de desserte emprunté par les cultivateurs et les habitants du bas-bourg.
Marcel Gautier . L’information géographique Année 1953 Volume 17 ; Numéro 17-3 Un chapitre négligé de la géographie agraire : Les enseignements des chemins ruraux. P. 93 et 94.